En ces moments où on mesure le tragique des vies, leur fragilité, on mesure aussi combien on tient à elles. Et si quelque image de souvenir est un refuge, elle peut aussi figurer l’espoir d’un retour.
Ce jour désormais bien lointain mais encore vivace, nous montions la colline où les spores de fougère avaient incrusté sur nos pieds, sous la chaussette, des esquisses de fossiles. Chaussures remises, nous avions pénétré toujours plus avant dans le bois jusqu’à cette vaste clairière qu’annonçaient de plongeants rais de lumière, comme venus d’un immense vitrail de cathédrale. Allongés sur un tapis de mousse, livres ouverts, nous entendions le bruissement ininterrompu, saccadé, de la rivière contre la roche.
Oh ! Ces fleurs éparses, fines taches ou fins élans colorés. Ces quelques oiseaux descendus se baigner là-bas, sur une rive et qui battaient des ailes. La chaleur adoucie par un frisson de brise intermittent, léger, rafraîchissant, porteur d’effluves mêlés. Tout cela nous était bonheur, plénitude, absolu. Sûr qu’au jour du grand départ, nous reverrons, ressentirons ce petit bout de nirvana.

Jacques Monville
Quand le bonheur est à portée de mains! Bravo Jacques pour ces souvenirs pleins de poésie!