La vieille maîtresse
Le misérable ! Elle venait encore de perdre une vie et de gagner quelques ridules. Il faudrait à nouveau une teinture plus avenante des racines capillaires, revoir aussi le scénario. Elle, l’actrice dans l’âme ! Pourtant, elle avait fait l’impossible : dîners raffinés, de romantiques hôtels de luxe, voyages sans elle à l’étranger, par vols de nuit.
Plus… lui et ses trente ans en voulaient toujours plus : cascades d’eau fraîche, fjords nordiques, lion, guépard, léopard, « couguar », nuits fauves et sensations de peau sucrée africaines. Ensuite il pensa aux tropiques, pour de pacifiques rencontres avec les gentils dauphins, les lagons bleu turquoise, une vahiné aux seins fleuris de belle nana.
« Oh… les jolies choses » : il m’offrait perle, corail… et crustacés.
Je l’aimais, ce Poil de carotte. Alors, c’est avec art, l’âme généreuse et l’ivresse de la vieille maîtresse que je reprenais mon cinéma à la dernière scène. L’amant, lui, de guerre lasse, avait besoin d’air. Il jouissait ailleurs, dans d’autres bras à la peau lisse, dorée, douce, de vingt ans. Depuis son portable, il lui envoyait un haletant message vocal : « Je vais bien, ne t’en fais pas. » Elle, heureuse d’entendre encore cette jeune voix dans l’appartement du quai des brumes, lui murmurait : « Pars vite et reviens tard. Tard ? Même tard ! »
La nuit du 12 au 13, dans une suite française d’Ibiza, l’adversaire qu’est notre cœur emporta la vagabonde vers un au-delà plus serein. En cas de malheur, ne prévenir personne. J’étais la honte de la famille…
Si, par une nuit de canicule, vous flânez devant un hôtel de luxe, une villa blanche ou un appartement parisien, pensez à ces femmes « sans famille » que la peur de vieillir a fait préférer un été meurtrier à… une vie de religieuse.
27/30 C’est excellent, bravo Claudine !
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