Voici trois poèmes pour illustrer le thème de notre réunion du 28 février 2019 :
Il faut être toujours ivre, tout est là ; c’est l’unique question. Pour ne pas sentir l’horrible fardeau du temps qui brise vos épaules et vous penche vers la terre, il faut vous enivrer sans trêve.
Mais de quoi? De vin, de poésie, ou de vertu, à votre guise, mais enivrez-vous !
Et si quelquefois, sur les marches d’un palais, sur l’herbe verte d’un fossé, vous vous réveillez, l’ivresse déjà diminuée ou disparue, demandez au vent, à la vague, à l’étoile, à l’oiseau, à l’horloge; à tout ce qui fuit, à tout ce qui gémit, à tout ce qui roule, à tout ce qui chante, à tout ce qui parle, demandez quelle heure il est. Et le vent, la vague, l’étoile, l’oiseau, l’horloge, vous répondront, il est l’heure de s’enivrer ; pour ne pas être les esclaves martyrisés du temps, enivrez-vous, enivrez-vous sans cesse de vin, de poésie, de vertu, à votre guise.
Baudelaire, petits poèmes en prose.
Une chambre bien close, une table, une chaise,
Un lit strict où l’on pût dormir juste à son aise,
Du jour suffisamment et de l’espace assez,
Tel fut mon lot durant les mois là passés,
Et je n’ai jamais plaint ni les mois ni l’espace,
Ni le reste, et du point de vue où je me place
Maintenant que voici le monde de retour,
Ah ! Vraiment, j’ai regret aux deux ans dans la tour !
Car c’est bien la paix réelle et respectable,
Ce lit dur, cette chaise unique et cette table
La paix où l’on aspire alors qu’on est bien soi,
Cette chambre aux murs blancs, ce rayon sobre et coi
Qui glissait lentement en teintes apaisées,
Au lieu de ce grand jour diffus de vos croisées.
Paul Verlaine.
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